A 23 ans, il arrive à un tournant. Continuer dans cette voie ou aller chercher autre chose. Passer sa vie dans les ateliers à bosser sur des technologies, de nouveaux shapes, des nouvelles idées c’est top mais on ne gagne presque rien car le métier est difficile en raison du déclin de la planche à voile. Patrice finit par tout plaquer pour (enfin) passer son Bac en candidat libre. Videur en boite de nuit pour rider la journée, son gabarit et son haut niveau en boxe l’aideront à passer les bagarres sans trop de dégâts. Il gardera de cette période une vision plus noire de l’humain et une capacité à aller jusqu’au bout des crispations sans reculer, bien utile plus tard en Chine par exemple.
Il obtient le Bac avec 10.02 points sans réellement dormir pendant une semaine ! En boite de 22h à 6h, et début des épreuves à 8h. Pas très glorieux mais c’est un déclic. Il embraye sur la fac de sport pour aller au plus simple. Boulimique de travail, il assiste à la première année de médecine, au DEUG de socio et celui de psycho pour aller chercher les cours qui l’intéressent. Systématiquement major de promo, il obtiendra des notes records. Puis c’est une licence de management du sport et une formation de gestion bac + 4 au CNAM en parallèle le soir. Le but pour lui est de rattraper le temps en allant chercher dans chaque discipline les outils dont il aura besoin dans sa vie professionnelle. Quand on bosse la nuit, on sait ce qu’on vient chercher à l’école le jour ! Et ce ne sont pas des diplômes mais bien des compétences pour se donner une chance.
Holywind lui demande alors un coup de main pour booster le shop suite à la marée noire de l’Erika. Avec Alain Clémenti ils remontent les performances du shop. Quelques mois plus tard, Patrice rencontre chez Holywind sa future femme qui vit en Corse et là tout se précipite : Xavier Rolland, ancien vendeur d’Holywind et commercial Bic Sport l’informe d’un job à Marseille chez H2O, société qui gère les 80 magasins des réseaux Magic Surf et Subchandlers en Europe. Patrice est embauché comme assistant, passe un MBA, et en trois ans il prend la Direction du Groupe aux cotés de Thierry Dumon, PDG du Groupe H2O.
Ils y redéveloppent GONG en 2003, propriété de Magic Surf, comme une des quinze marques propres du groupe. C’est l’époque flamboyante, celle de l’audace et des excès. Multiples voyages aux USA, à Hawaii, dans les usines, tout était possible tellement les moyens à disposition étaient conséquents. La semaine au siège à Marseille, les week end en Corse, c’est une période électrisante qui ouvre les portes de projets d’une autre dimension que ce que Patrice avait connu. Fils d’ouvriers et petit fils de paysans, entrer dans ce monde d’opulence fut un choc.
Tout était possible. Investir, inventer, renverser, la consigne était de prendre le contrôle du marché. Vaste sujet, un brin mégalo, mais qui aura eu le mérite de dépoussiérer les grands équilibres du marché pour y construire deux beaux réseaux de magasins. Patrice était en shop depuis le débuts de son adolescence. Il leur aura donné tout ce qu’il pouvait apporter pour faire de ces deux réseaux de magasins des poids lourds sur le marché mondial de la glisse.
Mais la crise de 2008 mettra un terme à tout cela. Les finances sont mauvaises malgré les multiples plans de redressement. Les comportements de certains dans les équipes sont démasqués ; c’est la désillusion et la fin d’un rêve. Les actionnaires se lassent et décident de stopper l’histoire. 90 licenciements à gérer dont le sien et celui de ses plus proches collaborateurs : une période vraiment pas fun qui scella la fin d’une relation de vingt ans avec les magasins.
En partant, il rachete GONG avant de quitter Marseille pour la Corse. S’isoler, l’ile, pour tout recommencer. Le démantèlement du Groupe H2O aura mis au jour les pires requins : vol de nos moules, pillage de l’image, usurpation d’identités pour récupérer des productions… Le pire ne sera pas épargné à GONG. Il faut dire que la marque avait su polariser en créant des envieux et des haineux. Ce faux pas fera les choux gras des forums et discussions de plages, colportant les pires mensonges pendant des années.
Mais depuis la Corse, l’Ours Orsu remonte pierre par pierre son édifice. D’abord en ouvrant son atelier dans la colline Bastiaise, face à Elbe dans le bleu. Seul, mais accompagné de ses amis autour de Jean Valère Bordenave, il remet en route une petite production de prototypes de SUP très pointus. Ce sont les premiers ShortSUP sous les 6′, puis sous les 5′. Les idées foisonnent dans cet isolement salvateur pour la reconstruction de GONG. L’image ayant souffert, ça sera le moment idéal pour montrer les véritables bases de GONG : la passion du shape et du surf.
Une petite production en série fait son retour en 2010. C’est en 2011 que les ventes accélère énormément : on déménage le stock de la série à La Baule avec l’embauche de David. Puis ça sera le tour de Fred et des autres. Il aura fallut quatre ans pour absorber la chute de 2008.
2016 c’est le retour définitif à La Baule pour l’Ours. Finie la Corse et sa liberté quasi totale, mais GONG est devenu tellement gros qu’il faut que le boss soit sur place à temps plein. L’accélération continue pour arriver à la situation actuelle : une belle boite qui contente des milliers de clients dans le monde.
Toujours concentré sur les shapes et les produits, Patrice retrouve un business excitant à la dimension d’H2O, et dont le potentiel est encore dix fois supérieur. Créer des produits, des emplois, une équipe, des envies, des passions, des moments de joie intense, de la vie dans l’océan, un partage à grande échelle, voila ce qu’est le quotidien de l’Ours aujourd'hui.